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Le temps des mules

Dernière mise à jour : 26 oct.

Petite réflexion socio-philosophique qui n'engage que l'auteur





Avoir une mule, travailler avec, oblige à une autre temporalité.

Non pas qu'elle soit forcément lente, molle ou sans énergie. Nous avons des mules de sport rapides et sportives, donc ce n’est pas un manque d’impulsion.


Les gènes de papa âne sont présents, ce qui apportera à certains sujets une bonne dose de flegme et de cette "agaçante" capacité à la réflexion. Le contact avec une mule nécessite de se mettre à son rythme. J’ai envie de dire, à un temps passé, le temps des saisons, d'avant les moteurs, la télévision, les radios au rythme saccadé, les smartphones et la compulsion consumériste.





Même s'il n'est ni éthique ni respectueux de prendre n'importe quel cheval, choisi pour ses origines ou ses capacités, il acceptera de se plier aux enrênements, aux méthodes coercitives contemporaines, pour que le cavalier remporte tous les prix avec frénésie : gains, notoriété, gloire et consommation de cheval. Oui, il tiendra de 2 à 6 ans, puis on ira en acheter un autre chez l'éleveur qui va bien. Le cheval peut se plier à cette frénésie contemporaine : consommation, gains, gloire et beauté...Même si ce bel animal mérite respect et progression dans son éducation et son travail, la sélection des éleveurs a permis d'avoir des animaux de plus en plus performants, et tolérants aux maladresse et abus de la part des cavaliers.





La mule, non. Elle est pourtant bien plus capable qu'un cheval, certes souvent moins esthétique, et encore...


Déjà, la mule vous choisit. Elle tient ça de son papa. Quand je vois des annonces typées "Cheval-Mobylette" : "Cherche belle mule, gentille et bien éduquée", ça m'interpelle. Pour ne pas dire que cela déclenche en moi une émotion non encore reconnue, une hybridation entre la tristesse et le fou rire. Non, on n’achète pas une mule, on va la rencontrer, on discute, et après seulement, on donne un chèque à l’éleveur ou au propriétaire pour le rembourser de ses frais et du temps passé. D’ailleurs, au taux horaire, si on calcule bien, ce n’est vraiment pas beaucoup...


Ensuite, on discute longtemps, assez longtemps, voire très longtemps, avec elle, pour faire ses preuves en tant que gardien et référent. Ne vous leurrez pas, la bête est fine et experte en éthologie humaine. Elle n’a pas besoin de vous pour survivre, juste de vous faire confiance pour vous suivre... et plus si affinité.


Une fois la relation établie, elle vous classera dans une case : distributeur de friandises, gratte-cul ou humain qui demande et s’affirme. Et donc, on y vient : ce n’est pas la mule qui sera gentille, polie et tout le tralala, mais bien l’humain en face. Oui, oui, on est d’accord, c’est aussi valable pour les chevaux, mais avec la mule, la cravache ne fera pas impression. Elle y répondra illico avec agilité pour vous dire qu’elle aussi sait taper et juste !


Si vous passez au stade du travail, il faudra un peu de temps pour qu’elle accepte de faire ce que vous lui proposez, avec parfois quelques discussions houleuses. C’est là que les concepts de "horsemanship" sont intéressants : donnez-lui envie.


Enfin, vous finirez par atteindre le Graal, après plusieurs combats, discussions, mises au point et galères. Mais là, vous ne regretterez rien. Vous comprendrez qu'une mule, ça se gagne et ne s'achète pas dans les rayons du magasin prêt-à-penser : "Pensez moins pour consommer plus."


Et un jour, au sortir d'une difficulté en extérieur, lors d'un parcours d'obstacles, au cours d'une reprise de dressage, ou simplement pendant une balade en main, vous vous direz : « Ah ouais, quand même ! »




Elle vous aura appris à prendre le temps, à rester dans sa bulle, si bien ancrée dans le présent. Vous prendrez le temps avec Mumule, cette guide hors temporalité, qui prend le temps de poser ses sabots au bon endroit, au bon moment





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